Le Grand Quai de Montréal est un lieu fondateur de l'histoire de Montréal dans lequel s'entrelacent différentes strates historiques. Il fut le théâtre des premiers contacts entre les peuples autochtones et les Européen·ne·s et la principale porte d'entrée des marchandises, des matériaux et des immigrant·e·s qui ont contribué à façonner la ville par la suite. Pourtant, bien avant la colonisation, le fleuve Saint-Laurent était déjà une artère vitale de circulation, bordée d'espaces d'échange, de négociation et de coexistence, dont l'importance est fermement ancrée dans la présence autochtone. Aujourd'hui, le Grand Quai incarne cette richesse patrimoniale, témoignant de la superposition des héritages maritimes, industriels et autochtones. Réhabilité en un lieu culturel et touristique, il demeure un symbole illustrant combien le développement de la ville est intimement lié aux flux humains, au partage des savoirs et aux profondes transformations économiques ayant traversé les siècles.
C'est dans ce cadre historique stratifié que l'exposition se déploie, explorant la relation inextricable entre la mémoire et l'art contemporain. Considérant les œuvres d'art comme de véritables dispositifs mnémotechniques, celles-ci deviennent vecteurs de mémoires tant personnels que culturels. Telles des manifestations tangibles de la pensée et de l'expérience, les œuvres rassemblées dans le cadre de ce projet puisent dans les récits personnels, l'histoire collective et les traumas partagés. L'exposition met en évidence la fluidité de la mémoire, sa fragmentation et comment elle est souvent imbriquée dans les paysages culturels et politiques. Le souvenir est un acte de réinvention, une perpétuelle recontextualisation de notre expérience. Certain·e·s artistes retrouvent des voix oubliées, revisitant des moments historiques par des actes de commémoration spéculative, tandis que d'autres s'engagent dans des gestes intimes de soin et de transmission - incarnés dans la préparation de la nourriture, le tressage des cheveux ou les rituels de deuil. L'utilisation du métal, du bois et des textiles dans de nombreuses œuvres est loin d'être fortuite ; ils renvoient à l'environnement bâti de nos espaces familiers, ces lieux où s'ancrent nos souvenirs les plus précieux.